« Ubu Roi (ou presque) » de Alfred Jarry
La matière première de cet Ubu est la « merdre », littéralement mise au plateau. Car derrière les oripeaux du pouvoir dont se couvre Ubu se cache un désir, somme toute terriblement humain, de dévoration et de digestion du monde.
Ubu, capitaine des dragons, officier de confiance de Venceslas, jouit de la haute estime de son roi. Tandis que sa femme, mère Ubu, aspire au trône. Pour convaincre son époux, elle trace un tableau séduisant de la vie de souverain. « Tu pourrais augmenter infiniment tes richesses et manger fort souvent des andouilles. » Cette image idyllique fait réfléchir le gros homme. Il organise, avec le vaillant capitaine Bordure, une conspiration. Mais se sentant trahi, il s’esclaffe : « merdre, jarnicoton bleu, de par ma chandelle verte, je suis découvert, je vais être décapité ! » Devant le roi, il passe aux aveux. Fort heureusement, personne n’entend rien à son langage bredouillant et tonitruant. Mère Ubu ne lâche pas l’affaire. Un attentat est mis sur pied. Ce sera le massacre de la famille royale et l’ascension au trône du père Ubu. Devenu roi, il agit avec autorité et brutalité. Sur les conseils de mère Ubu, il décide de jeter de l’argent au peuple afin de lui permettre de payer ses impôts. Dans le même temps, il décide de prendre l’argent là où il est en confisquant les biens des nantis, qu’il fait passer dans « la trappe à nobles », où ils seront « décervelés »…
Ubu n’est pas seulement un canular, une farce plaisante et féroce, une parodie loufoque. C’est avant tout l’entrée en scène d’un personnage dont le nom s’inscrit dans l’histoire de la littérature et dans la vie de tous les jours. Par-delà le bourgeois enragé et le bouffon, Jarry vise l’Homme, dont il sonde, avec cette oeuvre, l’indicible bêtise, la lâcheté et la sauvagerie au moyen d’un langage tout de verdeur et de cocasserie.