« Harvey » de Mary Chase

Tous les anglo-saxons connaissent la folle histoire d’Elwood P. Dowd et de son ami extraordinaire que les autres ne voyaient pas…

La jeune journaliste Mary Chase naît à Denver, Colorado, elle est reporter au Rocky Mountain News mais elle est aussi directrice de la publicité pour Le Syndicat des chauffeurs routiers… Sa première pièce, Me Third, a été écrite dans le cadre du Federal Theatre Project, mis en place par Franklin Delanoë Roosevelt. Antoinette Perry, native aussi de Denver, produit cette première pièce pour les représentations de Broadway. Malgré un accueil mitigé, elle encourage Mary Chase. En 1944, Chase lui apporte Harvey, Perry produit la pièce et la met en scène, à Broadway. C’est un succès inattendu, un triomphe. 1775 représentations et, en 1945, le Prix Pulitzer… Six acteurs se succèdent pendant cinq ans, jusqu’à James Stewart qui immortalisera Elwood en 1950, au cinéma et, en 1972, à la télévision en 1972. Harvey sera reprise jusqu’en 2015 à New York, Londres, Berlin… On en fera même une comédie musicale, Say Hello to Harvey

Harvey reste étonnamment inconnu du public français.

Pourtant, c’est un drôle de conte, une farce désopilante et sombre, un voyage entre très petit salon bourgeois et nouvel asile d’aliénés. Mary Chase joue à l’équilibriste, mélange comique, fantastique et poésie, en empruntant à Lewis Carroll, son lapin. On pense aussi à La Vie est belle de Frank Capra (1946) que joue d’ailleurs James Stewart. Ce tendre film où les anges sont de deuxième classe et leurs vêtements tout fripés. Mais, Harvey, ce lapin invisible, autoritaire et bougon, qui est-il ? Un ange, un diable, un génie, un autre vous-même, celui qui vous révèle ou qui vous punit ? « Qui est le fou ? » demandent tous les chats du Cheshire transformés en lapins… Comment savez-vous que vous êtes fou ?… Avez-vous vu Harvey ?

Mary Chase nous promène, dans tous les sens du terme, d’un salon étriqué à une moderne clinique privée. Avec talent, elle alterne rire énorme, tendresse et suspense, pour raconter l’extravagante histoire d’Elwood P. Dowd et de son lapin.

Alors, la pièce navigue entre burlesque et méchanceté, folie et générosité, solitude et douce empathie. Et surtout, Chase crée Elwood, un personnage lunaire et inquiétant, ne craignant ni les sortilèges, ni les cruautés, ni l’inconnu. Un rêveur actif qui vit une vie « à côté » et qui ne veut rien d’autre que d’emmener Harvey boire un verre, chez Charlie, où ils ont leurs habitudes…

Agathe Mélinand

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