« Extinction » de Thomas Bernhard
Thomas Bernhard est mort le 12 février 1989.
En 1986, il publie Auslöschung. C’est son dernier roman et le plus gros livre qu’il ait jamais écrit. Magistralement traduit par Gilberte Lambrichs, Extinction paraît trois ans plus tard en français.
Dans Extinction, sous titré « Un effondrement », Thomas Bernhard pousse son projet d’« anti- autobiographie » jusqu’à ses ultimes conséquences : l’extinction du sujet qui écrit, offrant ainsi en miroir et à l’autre bout du siècle une sorte d’écho assombri de l’entreprise proustienne.
Extinction est aussi le livre le plus politique de Thomas Bernhard, qui règle avec une insolente liberté ses comptes avec l’Autriche.
Le narrateur, Franz-Josef Murau, brebis galeuse de la famille, a fui l’atmosphère confinée et malsaine, l’esprit étriqué, les traditions et le passé délétère de Wolfsegg (qu’on pourrait traduire par « le coin au loup »), un grand domaine dans les pré-Alpes autrichiennes, se bâtissant un refuge dans la lumière romaine. Mais un drame, la mort de ses parents et de son frère dans un accident de voiture, le force à revenir à l’origine, à se faire héritier de Wolfsegg pour mieux en liquider et en éteindre la marque détestée.
Serge Merlin, qui est depuis longtemps comme chez lui dans la demeure bernhardienne, funambule des chemins caillouteux et de l’oxygène raréfié et coupant de l’écrivain autrichien, relève le défi de dire ce texte énorme – ramené ici à quatre-vingts minutes –, où Bernhard aura porté son « art de l’exagération » à ses plus extrêmes confins.