« Lucrèce Borgia » de Victor Hugo
En avril 2007, Éric Vigner fut le premier metteur en scène français invité par le Théâtre national de Tirana pour une production dans ses murs, en langue albanaise et avec les acteurs du Théâtre national. Il y créé Berberi y Seviljes d’après Le Barbier de Séville de Beaumarchais, en regard de l’histoire politique et de la culturelle du pays. À l’époque, le pays se découvre après 50 années de tyrannie, d’isolement contraint.
La découverte de la culture Albanaise, la musique avec ses polyphonies et le de danse traditionnelle ; l’art du costume ainsi que celle du fond photographique des frères Marubi (trois générations de photographes qui ont en scène et capturé l’Albanie ottomane au début du siècle dernier) vont profondément impressionner l’artiste et influencer cette création bilatérale entre le chef d’oeuvre pré-révolutionnaire de Beaumarchais et l’histoire Albanaise.
Une photographie en particulier, découverte dans ce fond exemplaire sera la matrice de l’esthétique en noir et blanc qui guidera le spectacle. Faire vibrer l’éclat du blanc et la profondeur du noir des photographies dans l’espace même du théâtre et entrainer les comédiens hors des sentiers du jeu naturaliste de la tradition russe dont ils sont les héritiers.
Éric Vigner est plasticien et sa recherche esthétique est indissociable de son travail sur le texte et dans le jeu avec les acteurs. Son théâtre se situe dans cette dialectique entre les arts plastiques et l’art dramatique. L’esthétique du Berberi y Seviljes qui trouve sa source dans les racines profondes de la Albanaise aura une suite. Après le drame de la jalousie qui est le thème principale du Barbier de Séville, l’espace plastique et scénographique inventé à servira de caisse de résonnance, de repoussoir, dans un dyptique en miroir et en noir et blanc pour la création de la tragédie de la jalousie Othello de Shakespeare en 2008, présenté au théâtre de l’Odéon à Paris.
Ainsi construit t’on une oeuvre: une pièce en entraine une autre dans une logique qui n’a d’autre sens que d’être artistique et personnelle.
Berberi y Seviljes connaît un grand succès et reste une création marquante dans l’histoire du théâtre national Albanaise, elle reçoit le Prix du Festival International de Théâtre de Butrint, suite à une tournée dans les pays des Balkans. Toute l’équipe s’envole ensuite pour la France (Lorient) où la troupe du Théâtre National se produira pour la première fois, ce sera l’occasion de créer l’évènement et de présenter la culture Albanaise avec une manifestation baptisée De Lorient à Lorient / Albanie sous les auspices de l’ambassadeur Albanais à Paris. Le spectacle sera ensuite invité en Inde pour le festival Bharat Rang Mahotsav (New Delhi et Chennai).
C’est fort de cette rencontre initiale avec la culture de ce pays et par le théâtre qu’Éric Vigner revient aujourd’hui en Albanie à l’invitation du Théâtre National. Il propose de poursuivre l’aventure commune et de mettre en scène Lukrezia Borxhia d’après l’oeuvre emblématique du romantisme français : Lucrèce Borgia de Victor Hugo. Tirana sera le théâtre de cette histoire qui s’inscrit dans l’Italie du XVe ou la jeunesse sacrifiée vit sous la tyrannie des Borgia.
Lucrèce Borgia c’est le chef d’oeuvre en prose de Hugo. Un théâtre populaire, riche en émotions et en rebondissements. D’inspiration shakespearienne, il relate l’histoire d’une mère incestueuse, Lucrèce, qui voudrait sauver son fils qui lui ne la connaît pas. L’amour comme vertu pour effacer les crimes des pères. Lukrecia Borxhia est aussi une pièce politique où les destins des individus rencontre la réalité politique. Histoire de corruption, d’assassinats, de meurtres et d’empoissonnements dans l’Italie du XVe siècle.
Le répertoire permet souvent de questionner la réalité d’un moment historique et politique. Hugo avait trouvé dans l’histoire des Borgias un réfèrent à l’histoire politique de la France du XIXe.
Les Balkans sont plus que jamais le foyer de l’Europe, celle d’hier avec son passé tumultueux et celle d’aujourd’hui qui se constitue. Le théâtre comme tout acte artistique, ici et maintenant à travers les oeuvres du répertoire classique et contemporain participe à son avenir.
La comédienne « star » Luiza Xhuvani — dont l’histoire personnelle est connue du public — reviendra au pays pour endosser le rôle de Lucrèce Borgia accompagnée par la jeune garde du théâtre national.