Saison 20-21

Depuis mon premier spectacle, ou à travers les Opéras auxquels j’ai collaboré, je cherche à développer un langage chorégraphique. Ce langage s’invente à partir des relations entre les êtres, le quotidien. Il est fondé sur un vocabulaire qui mélange la danse, le théâtre, le cinéma et la matière circassienne. J’y convoque toutes les émotions, la virtuosité, la contorsion, la connexion entre les interprètes, dans une écriture métaphorique où chaque détail compte, et qui s’exprime jusqu’au bout des doigts. Cette écriture se bâtit dans un univers visuel fort, qui participe à la trame dramaturgique, en s’appuyant sur un important travail de la lumière. Chacun de mes projets est une étape, inscrite dans un projet « global » de création de ce langage du mouvement. Langage que j’espère être pour le spectateur un vecteur de réflexions, d’émerveillement et d’émotions.

Raphaëlle Boitel

La Chute des Anges

Création 2018

Un groupe d’hommes et de femmes, manoeuvrés, survivants d’un monde sous silence et sans soleil, se regardent sans se voir, s’accrochent à la vie. A leur vie. Dans un microcosme sous contrôle, des machines, démiurges de ce monde, jouent les artefacts organiques. Dans cette mécanique silencieuse, un grain de sable. Un personnage, qui cherche sans le savoir, la lumière enfouie en chacun de nous.

Une dystopie à la croisée du cirque, de la danse, du théâtre et du cinéma, comme un reflet de notre civilisation, parce que parler du futur est la meilleure façon de parler du présent.

Sur un ton tragi-comique et inscrite dans un univers poignant, cette fiction, référence à l’allégorie de la caverne, aborde les sujets d’actualités liés à notre société, la dialectique ou encore notre humanité.

Des hommes qui aspirent à voler ou des anges pris par ce qui se joue à leurs dépens? Plus que des personnages, des symboles. Qui portent en eux, dans le libre arbitre, dans l’amour et la beauté du lâcher prise, la force dont on dispose pour changer les choses. Et si rien n’était irrévocable ?

Dans un univers cinématographique, Raphaëlle Boitel invite les spectateurs à une traversée poétique, philosophique, absurde et jubilatoire. Une réflexion sur les dangers et les répercussions qu’engendre la prédisposition autodestructrice de l’homme. Mais aussi sur la force intérieure dont il dispose pour changer les choses.

Pour esquisser ce monde, projection intemporelle et surréaliste de notre société, l’univers visuel et vecteur d’émotions s’est nourri d’oeuvres cinématographiques telles que La Jetée, 12 Monkeys, 2001 L’Odyssée de l’espace, Truman Show, Dark City, Les Ailes du désir, Les Temps Modernes, Le Fils de l’homme, Un jour sans fin. ; mais aussi d’autres oeuvres comme le clair-obscur de Caravage, les portraits photographiques de Lee Jeffries, Otto bande dessinée de Marc Antoine Mathieu, les romans 1984 de Georges Orwell ou La Route de Cormac Mccarthy, les oeuvres cinétiques de Jean Tinguely ou Anthony Howe, les dessins de Lebbeus Woods, le surréalisme de Bosch ou Magritte…

Un contre Un

Création 2020 | Jeune public

C’est la question des libertés de chacun et des relations à l’autre, des espaces, des frontières, de la femme dans le monde moderne et ses codes patriarcaux qui ont motivé ce projet.

Librement inspiré d’Orphée et Eurydice, Raphaëlle Boitel bouscule le mythe de façon physique, ludique, poétique et surréaliste avec au coeur de son sujet, Eurydice.

Il s’agit d’interroger les stéréotypes, la place et le rôle de chacun, ceux que la société impose, de raconter aussi la vie et ses limites pour les transformer afin de vivre autrement.

Un contre Un se nourrit de ces histoires de limites. Des rêves ou cauchemars qu’elles suscitent, de l’imaginaire qu’elles mettent en route. Des angoisses qu’elles provoquent. Des habitudes qu’elles façonnent. Des chemins qu’elles dessinent. Des relations qu’elles créent.

Sur un ton résolument tragi-comique, le spectacle raconte autrement à l’enfance et à la jeunesse, la place des uns, des autres, l’un près de l’autre, face à l’autre et évoquer la quête de soi, l’émancipation, sans se retourner !

La question des libertés s’y dessine en filigrane. On retrouve aussi dans cette création les thèmes chers à Raphaëlle Boitel qui imprègnent son travail : solidarité, relations humaines, sacrifice, engagement, lâcher-prise, dépassement de soi.

5es Hurlants

Création 2015

Le chiffre 5 est le nombre de l’harmonie, l’équilibre et de la grâce. Très présent dans la nature, il est aussi associé à l’homme en général : 5 sens, 5 doigts, 5 membres… Le titre du spectacle est aussi en référence aux 50es Hurlants : zone du monde crainte pour ces vents et courants violents proche de l’Antarctique, que les marins sont obligés d’affronter pour continuer d’avancer. Un clin d’oeil donc, pour rappeler que la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Ce projet est né de la rencontre avec 5 jeunes artistes. Leur quotidien m’a remémoré mon parcours de contorsionniste. A travers eux, j’ai voulu parler de persévérance. Pour l’exprimer concrètement, ma matière brute est basée sur le quotidien de ces circassiens. Leurs corps, et leur rapport à l’agrès. Le travail et la répétition incessante qui rend l’impossible possible. J’ai eu le désir de mettre en lumière la beauté du quotidien de ces artistes. Montrer l’envers du décor, l’entrainement, qui occupe 90% de leur vie et abime leurs chairs. J’ai envisagé leurs agrès comme des personnages, leur alter ego mécanique, avec lequel ils doivent partager leur vie, dans une relation ambigüe.

Dans un travail chorégraphique millimétré, j’ai voulu ce spectacle comme un hommage au cirque, et aux vertus qu’il représente. Je l’ai utilisé tel un reflet, une parabole métaphorique de la vie, dans lequel la force de se relever incarne la rage de vivre. En arrière-plan, une référence à mon parcours, à ma relation particulière avec Annie Fratellini, 1ère femme Clown.

Nous sommes là, dans cet espace sombre où ces personnages passent le plus clair de leur temps. Inspiré de l’oeuvre de Caravage, des gravures et dessins du Piranese ou la bande dessinée Les Cités obscures de Schuiten, la scénographie évoque un espace usé par les années. Cela pourrait être un théâtre, un lieu d’entrainement. Un chapiteau. Un hangar. Nous sommes hors du temps.

Enchevêtrements de cordages, projecteurs, perches, sangles. On voit des dispositifs mécaniques. Des objets du quotidien sont disposés ça et là, empreintes de vie : des chaises trainent là. Une bouteille d’eau entamée. Un balle orange perdue.

La Bête Noire

Création 2017

Dans un croquis en clair-obscur, à partir d’un corps complexe et fragile, s’esquissent les batailles quotidiennes livrées contre nos bêtes noires. Une danse, comme une lumière dans le noir et qui puise, dans un corps en lutte, contorsionné, la force animale nécessaire à notre humanité. En filigrane : le portrait d’une femme, son parcours. À travers des fragments de son histoire, entrevoir le contour de nos états d’âmes, nos rêves, nos traumatismes, nos choix, nos moments de grâce, nos contradictions. L’amour. La vie.

À travers cette « chorégraphie performative », j’ai souhaité évoquer les souffrances que nous nous infligeons, celles qu’on nous inflige et les pressions qu’on peut nous faire subir, les sacrifices qu’on accepte. Poser aussi la question de l’identité et de l’effacement de la personnalité.

J’ai rêvé ce projet comme une introspection de l’être. Une exploration au coeur de cette femme, à qui on ne demande de n’être plus qu’un corps. Un corps déshumanisé. Un corps animal.

Une référence à un passé de contorsionniste pour qui les stigmates, comme c’est le cas pour beaucoup d’acteurs du corps, du cirque de la danse ou du sport, sont irrémédiables.

Une femme, avant tout donc, qui puise en elle et dans un corps en lutte et qui se transforme, la force pour supporter la douleur. Les douleurs. Elle est comme un fil, qui se tord, prêt à rompre à tout moment. Un fil relié à la vie, à l’amour, à la mort. Manipulé par un homme dans la pénombre. Mis en lumière comme une broderie fine dans un rayon lumineux ; se dessinent le corps et la vie d’une femme, dans sa complexité sauvage, sa beauté fragile. Et la beauté de la laideur. Nos passions, nos terreurs ; nos dualités. Notre humanité. Notre être. Notre vie.

Horizon

Création 2019

Alors que les hommes traversent une époque de surpopulation de leur espace, qu’ils combattent en partant en quête de nouveaux horizons dans un infini vide et sans air, nous nous recroquevillons dans des espaces confinés et parfois virtuels, dans lesquels nous existons sans nécessité de mouvement.

Dans ce contexte, où se situent nos espaces de libertés ? Quels sont-ils ? Dans le groupe, dans nos relations, dans nos entreprises, dans nos villes, dans nos vies. Où se créent t’ils ? Où nous mèneront-ils ?

Perdus dans des espaces finalement toujours plus grands, mais dans lesquels nous avons de moins en moins de place, les hommes se cherchent eux-mêmes. Avec les toits et la façade d’un bâtiment comme aire d’expression, à partir d’un groupe réunissant artistes de cirque contemporain et Free-Runners venant du milieu urbain, un ballet en contre plongé s’écrit, entre ciel et ville.

Ode à la Liberté, les projets Horizon sont des formes extérieures tout public qui investissent de manière spectaculaire les bâtiments patrimoniaux.

En ajoutant le vocabulaire acrobatique et virtuose des « Free-Runners » à celui des Circassiens, Horizon développe un travail de décloisonnement entre les Arts du geste, et offre aux habitants de regarder leur patrimoine différemment.

Toits et murs sont utilisés comme un agrès ou un plateau de théâtre à l’air libre, pour développer des chorégraphies acrobatiques sur lignes de ciel.

Des bâtisses et des époques donc pour, évoquer la place des hommes, leurs relations, leur insatiable soif de « toujours plus», leurs forces, la fragilité des équilibres et le concept de liberté dans ces espaces faits par lui mais peu faits pour lui.

Dans leurs villes, dans leurs vies, ils grimpent, glissent, chutent, remontent, sur des murs qui sont comme autant d’échelles de Jacob de pierre ou de béton. Vers un horizon, qui recule à mesure qu’ils avancent vers lui…